Crédit immobilier : des droits respectés, vigilance sur l’assurance emprunteur
En 2021 et 2022, la DGCCRF a réalisé une enquête auprès de 144 établissements de crédit, afin de vérifier l’application, d’une part, des règles visant à protéger les emprunteurs durant l’exécution de leur contrat de prêt immobilier et, d’autre part, celles garantissant le libre choix de l’assurance emprunteur. 11 % des établissements bancaires se trouvaient en anomalie, principalement en matière d’assurance emprunteur.
Le remboursement des emprunts relatifs à l’achat du logement représente 30 % en moyenne des revenus d’un ménage. Pour les foyers bénéficiant d’un crédit immobilier (31 % des foyers), l’assurance emprunteur représente une part importante de ces charges financières (de 30 à 50 % du coût du crédit). Dans ce contexte, afin de mieux protéger les consommateurs ayant souscrit un crédit immobilier, la DGCCRF a réalisé une enquête auprès des établissements bancaires.
144 établissements ont été contrôlés en 2021 et 2022. Les enquêteurs ont contrôlé principalement les sièges sociaux nationaux et régionaux des établissements, ainsi que leur site internet. Ils ont analysé des contrats de prêts immobiliers à taux fixe et, s’agissant de l’assurance emprunteur, l’information sur la liberté de choix ainsi que des dossiers de demande de substitution d’assurance reçus par le prêteur (dossiers considérés comme incomplets, dossiers refusés, dossiers ayant donné lieu à une contre-proposition commerciale).
Contrats de crédit immobilier : les règles sont généralement respectées
L’enquête montre que, de manière générale, la réglementation visant à protéger les emprunteurs durant la phase d’exécution des contrats de prêt immobilier est bien mise en œuvre par les professionnels.
Les enquêteurs ont constaté que la décision du Haut Conseil de stabilité financière relative aux conditions d’octroi de crédits immobiliers, prévoyant que le taux d’effort des emprunteurs de crédit immobilier n’excède pas 35 % et que la maturité des crédits n’excède pas 25 ans, est bien prise en compte par les établissements.
Cependant, quelques clauses abusives ont été relevées dans certains contrats. Par exemple :
- des clauses laissant croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme (c’est-à-dire la fin du contrat de prêt avec remboursement immédiat du solde) sans que le consommateur ne puisse recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance, en cas d’inobservation d’une quelconque obligation ou en cas de déclaration fausse ou inexacte relative sur un point non essentiel à la conclusion du contrat ;
- une clause imposant à l’emprunteur de rembourser certains frais sans justifier leur nécessité ou leur montant (tel que le paiement de frais d’actes et de gestion dans le cadre des opérations susceptibles d’intervenir durant l’exécution du contrat de crédit immobilier, sans référence au montant de ces frais ni autres précisions) ;
- une clause de nature à limiter les moyens de preuve à la disposition du consommateur (par exemple, empêcher l’emprunteur d’évoquer les constatations recueillies par le médiateur).
Des clauses illicites ont également été constatées, telles que l’interdiction pour le client d’effectuer une demande de substitution d’assurance-emprunteur lorsque cette demande intervient après les 12 premiers mois du contrat de prêt immobilier, ou la subordination de l’octroi du prêt à la souscription à l’assurance-emprunteur de groupe (contrat souscrit par l’établissement bancaire auprès d’un assureur, généralement sa filiale d’assurance, pour couvrir tout un ensemble d’assurés).
Les établissements en anomalie ont reçu un avertissement ou ont fait l’objet d’une procédure d’injonction de mise en conformité.
Peu d’anomalies ont été détectées concernant les fiches d’informations standardisées (FSI) qui doivent être remises avant la signature de l’offre de crédit. Les fiches signées étaient bien présentes dans les dossiers contrôlés et respectaient le formalisme défini par le Code de la consommation. Le moment où les emprunteurs se voient remettre ce document varie d’un établissement à l’autre, certains l’envoient jusqu’à vingt jours avant d’éditer l’offre de prêt, d’autres à la date de conclusion du contrat.
Assurance emprunteur : des manquements persistants malgré des améliorations
Les emprunteurs sont généralement informés de la possibilité de changer d’assurance emprunteur
La loi impose que le consommateur soit informé de la possibilité de souscrire une assurance emprunteur alternative auprès de l’assureur de son choix, dès l’offre de prêt. Les contrats de crédit analysés dans le cadre de l’enquête respectent formellement cette obligation. Lors de l’enquête, seule une banque en ligne ne mentionnait pas ce point dans ses offres de prêt ou dans la fiche d’information standardisée. À l’inverse, pour les informer, un établissement remettait à ses clients un document complémentaire d’information sur la marche à suivre pour souscrire une assurance emprunteur alternative en distinguant trois situations : souscription d’assurance lors de la souscription du prêt, souscription d’assurance au cours de la première année d’exécution du contrat, substitution d’assurance après la première année d’exécution du prêt.
L’anomalie la plus fréquente est l’imprécision de l’information sur les pièces à fournir pour changer d’assurance ne permettant pas de traiter le dossier ou complexifiant l’opération dans le but de retenir le client. Ainsi, les professionnels ont été sanctionnés lorsque la liste de documents à fournir était absente de l’information transmise aux consommateurs dans l’offre de crédit ou lorsque la liste était incomplète.
Enfin, les sites internet des établissements permettent dans la plupart des cas d’accéder, par un chemin d’accès simple et visible, aux modalités pratiques de substitution d’assurance, à la liste exhaustive des pièces nécessaires à l’instruction du dossier ainsi qu’à celle des critères d’équivalence des garanties.
Des délais de réponse à une demande de changement d’assurance parfois encore trop longs
La majorité des établissements bancaires a mis en place un traitement centralisé des demandes de substitution d’assurance. L’équivalence du niveau des garanties avec l’assurance de groupe peut être rapidement vérifiée via une application, élaborée au niveau du siège, qui répertorie les conditions générales de l’ensemble des contrats d’assurance externes et réalise la comparaison.
Le délai légal de 10 jours ouvrés pour répondre à une demande de changement d’assurance n’est cependant pas toujours respecté. Ainsi, des avertissements ont été adressés à un établissement de crédit dont le délai de réponse constaté a pu être jusqu’à 124 jours ouvrés, et à un autre établissement de crédit traitant seulement 73 % des demandes dans les délais impartis. Des injonctions de mise en conformité ont également été adressées à deux autres établissements dont le délai de traitement variaient de 13 à 20 jours.
Les délais entre la lettre d’acceptation de la demande de substitution d’assurance et la lettre comportant l’avenant au crédit immobilier sont également parfois trop longs, alors que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) préconise d’éditer l’avenant concomitamment à la lettre d’information sur l’acceptation de l’assurance externe et de prendre toute mesure destinée à limiter le risque de paiement par l’emprunteur d’une double cotisation d’assurance.
Un faible taux de délégation d’assurance
L’enquête a confirmé que, malgré les avancées de la réglementation, la part de crédits immobiliers assortis d’une assurance auprès d’un tiers est faible.
Elle n’a toutefois pas mis en évidence de nombreux refus de changement d’assurance qui expliquerait cette faible délégation. Les refus constatés portent principalement sur le non-respect des préavis prévus par le code des assurances (les consommateurs méconnaissent le délai de préavis de 2 mois après une première année de contrat) et les non-équivalences de garanties. Les établissements ayant refusé un dossier à tort, pour non-équivalence de garanties, se sont vu adresser une injonction et de nouveaux contrôles ont eu lieu pour vérifier leur remise en conformité.
Les professionnels avancent souvent que les contrats de groupe, bien que plus chers, offrent des atouts comme par exemple une couverture plus large (pratiques sportives, affections dorsales et psychiatriques…).
Renégociation et rachat de crédits : la réglementation est respectée
L’enquête montre que les banques ne sont pas proactives en matière de rachat et de négociation de prêts, se contentant de répondre à la demande des clients. Elles formalisent bien, en revanche, la renégociation des prêts immobiliers par un avenant comportant un échéancier des amortissements, le taux effectif global (TEG) et le coût du crédit pour les prêts à taux fixe. Lors du rachat de prêts immobiliers, l’offre préalable de crédit est conforme aux dispositions du Code de la consommation (informations précontractuelles, évaluation de la solvabilité de l’emprunteur, mentions obligatoires, etc.). Seul un avertissement a été adressé à l’un des établissements contrôlés qui avait omis de fournir un échéancier d’amortissement et n’indiquait pas clairement les frais de renégociation.
L’enquête a confirmé que certains emprunteurs étaient tenus de souscrire des produits financiers ou de domicilier leurs revenus dans leur établissement en contrepartie du réaménagement du prêt.
En matière de remboursement anticipé, les établissements contrôlés respectent la réglementation : l’indemnité de remboursement anticipé, demandée par l’établissement prêteur pour compenser une partie de son manque à gagner par rapport aux intérêts qui ne lui seront pas versés, était bien mentionnée dans les contrats de crédit et son montant n’excèdait pas le plafond réglementaire.
Vigilance sur les assurances emprunteurs
Si l’enquête a montré que les professionnels contrôlés respectent globalement la réglementation visant à protéger les emprunteurs durant la phase d’exécution des contrats de prêt immobilier, la DGCCRF maintiendra néanmoins ses contrôles à propos de l’assurance emprunteur, les infractions constatées ayant amené des consommateurs à renoncer à leur demande de substitution.
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes